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Sartre : La conscience

La conscience est l’intuition première de Sartre. Penser dans sa radicalité ce caractère spécifique de l’homme, qui le met à distance des choses et de lui-même, conduit Sartre à remettre en cause certaines conceptions traditionnelles de l’imagination et de l’affectivité.

1. Les deux faces de la conscience

A. La conscience de quelque chose

La conscience* n’est pas une sphère close sur elle-même, ne connaissant que ses propres modifications, et dont le rapport avec le monde constituerait un problème. La conscience est essentiellement relation à autre chose qu’elle-même. Toute conscience est conscience de quelque chose. Il n’y a pas de conscience de soi sans conscience d’autre chose. «Penser à rien» est impossible.

La conscience ne contemple pas en elle-même des images qu’elle devrait ensuite rapporter aux choses qui en seraient les causes (cf. fiche 22). La conscience est immédiatement en prise avec le réel. «Connaître, c’est “s’éclater vers”, s’arracher à la moite intimité ­gastrique pour filer là-bas, par-delà soi, vers ce qui n’est pas soi» (Situation, I).

Mais la conscience est toujours en même temps conscience de soi; c’est-à-dire qu’elle est toujours à la fois conscience de quelque chose et conscience de cette saisie elle-même (sinon on aurait conscience des choses sans en être conscient, ce qui est absurde).

B. La conscience de soi

Je vois une pomme. Pour que je sois conscient de cette perception, il faut que je sois conscient d’être conscient de la pomme. Mais si je suis conscient de ma conscience de voir la pomme de la même manière que je suis conscient de la pomme, le problème est repoussé sans être résolu. Il faut que je sois conscient de cette deuxième conscience, et ainsi indéfiniment.

Or, de fait, je suis conscient. C’est donc qu’il y a une conscience de soi d’un autre type que la conscience de quelque chose, une conscience non réflexive, une conscience de soi immédiate, sans distance ni réflexion, qui accompagne toute conscience réflexive de quelque chose.

Lorsque je réfléchis à quelque chose, je sais que j’y réfléchis, sans que cela signifie que je réfléchisse au fait que je réfléchis, auquel cas on ne pourrait jamais penser à rien! L’objet apparaît toujours à une conscience qui elle-même est présence à soi irréfléchie. Elle est la transparence à soi absolue qui définit la conscience.

2. Les attitudes de la conscience

A. L’imagination

Que se passe-t-il lorsque j’imagine une situation? Contrairement à ce que l’on dit, je n’observe pas en moi, une image de la situation. Je joue à me la rendre présente, en son absence, à travers des supports très ténus (souvenirs, sentiments, disposition du corps).

Si l’imagination* était une sorte de perception, on ne pourrait, comme on le fait, la distinguer immédiatement de la perception. Perception et imagination sont deux actes différents de la conscience, deux manières de se rapporter à une même chose, une fois comme présente, une fois comme absente.

L’imagination ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà; ce qu’elle nous offre est essentiellement pauvre et sans surprise, à la différence du réel. Elle manifeste la capacité de la conscience à s’isoler du monde. «C’est la conscience tout entière en tant qu’elle réalise sa liberté» (L’Imaginaire). L’imaginaire peut même être une sorte de conduite de fuite à l’égard du réel, un jeu auquel on se prend.

B. Les émotions

L’émotivité est, elle aussi, une manière pour la conscience de se rapporter au monde. C’est la conscience, toujours complice, qui «se fait conscience émue», elle qui décide, tacitement, d’accueillir ce qui arrive sur le mode de l’émotivité, sur le mode de l’«insurmontable». Nous n’inventons pas nos émotions, mais c’est nous qui décidons de nous y abandonner, de faire comme si elles nous submergeaient. L’expression «je me mets en colère» est littéralement vraie.

Face à un monde hostile, dans une situation où l’on perd prise, se laisser aller à l’émotion peut être une conduite de fuite: l’évanouissement, le trépignement, la colère sont des manières de faire disparaître «magiquement» le monde.

Il est toujours possible d’adopter une autre attitude. La conscience ne constate jamais son état, elle le consacre en y consentant. La conscience se raconte des histoires, et derrière toute prétendue fatalité il y a une complaisance.

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