Platon : la recherche philosophique de la vérité
La vérité philosophique ne se laisse pas mettre en formules, à la différence des autres
savoirs ; dans la Lettre VII, Platon définit la philosophie – selon l’étymologie, «amour ou
désir de sagesse» et non possession de cette sagesse – moins comme quelque chose que l’on
sait que comme «la flamme qui jaillit de l’étincelle, puis croît spontanément» dans l’âme.
La philosophie n’est pas la détention de la vérité, mais la passion infatigable de sa
recherche, qui s’étend peu à peu à toutes les activités et à tous les désirs de l’homme.
1. Du discours au dialogue
A. La rhétorique, la sophistique et la vérité
La rhétorique* est la maîtrise du discours persuasif, qui ne se soucie guère de savoir ce
dont elle parle. Elle rend l’orateur plus convaincant sur un sujet que celui qui connaît à fond
ce sujet, et ferait presque prendre l’âne pour un cheval. En ce sens, la rhétorique se confond
avec la sophistique. Le sophiste prétend à un savoir universel; expert en l’art de rendre habile
à parler sur tout, il ne rend pas véritablement savant sur tout, mais en donne l’apparence.
La sophistique, comme la rhétorique, est une flatterie, imitation néfaste d’arts utiles fondés
sur un véritable savoir: législation, justice. La sophistique, comme la rhétorique, veut, sans souci
de justice, montrer par la parole et par l’action le plus d’efficacité dans les affaires de l’État.
B. Le dialogue
Réfuter, ce n’est pas avoir raison contre quelqu’un d’autre, c’est se prévenir soi-même de
l’erreur. On ne triomphe pas de l’interlocuteur, on avance avec lui. Il ne faut prendre garde
qu’au propos lui-même, pas à une lutte entre prétendus adversaires. Dialoguer, c’est «donner
ses raisons et accueillir celles d’autrui».
Ainsi, il faut se mettre d’accord au début de l’entretien sur ce dont on parle, puis garder
en vue cette définition. L’accord de l’interlocuteur est à chaque étape indispensable pour
avancer.
Même la pensée solitaire dialogue avec elle-même: toute recherche de la vérité est un dialogue.
2. La recherche de la vérité
A. Ignorance, opinion, science
L’âme qui se trouve dans l’ignorance erre. Errer, cependant, n’est pas faire erreur; ignorer, ce
n’est pas se tromper. Seule l’ignorance qui s’ignore elle-même, celle de qui croit savoir, entraîne
l’erreur et cause les maux de l’âme. S’en délivrer, c’est apprendre à connaître sa propre ignorance:
«Savoir qu’on ne sait rien.»
L’action se contente d’opinions vraies pour se guider efficacement. L’opinion vraie, intermédiaire
entre ignorance et savoir, n’est pas savoir: elle nous fait ressembler à des aveugles qui suivent leur
droit chemin. Nous faisons bien sans savoir pourquoi: les opinions correctes demeurent néanmoins
instables tant qu’on ne les a pas liées et fixées par le raisonnement, c’est-à-dire changées en savoir.
Savoir, c’est connaître la vraie raison pour laquelle les choses sont ce qu’elles sont.
Par ordre croissant vers la perfection, Platon place l’imagination ou perception sensible, la
croyance vraie, le raisonnement hypothétique et enfin la science. Les deux premières sont opinions,
les deux dernières savoir, dont le plus haut degré est la science, qu’atteint la dialectique*.
B. La dialectique
La dialectique est un art poussé de l’examen des raisons par le dialogue. S’appliquant aux
fondements de toute science, elle est une science première et universelle. Elle nous délie de
l’ignorance, puis de l’opinion, pour nous donner la science, nous faisant passer de l’ombre à
la lumière sur ce qu’est chaque chose en elle-même.
Le dialecticien connaît chaque chose, parce qu’il sait ce qui lui est nécessaire pour être
elle-même. Son savoir d’une chose ne repose donc plus sur une définition postulée, comme en
mathématique: sa connaissance ne présuppose aucun acquis préalable; elle est inconditionnelle.
Sa méthode est donc anhypothétique (sans hypothèse, sans présupposé), et son savoir absolu.
Le dialecticien aperçoit en même temps ce que les choses d’une même espèce ont en commun et ce
qui distingue les espèces entre elles. La dialectique consiste en un double mouvement de
rassemblement et de division de l’essence des choses. Manipulant les notions des choses,
la dialectique est ainsi la science des idées.
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