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Montaigne : De l'héritage antique à une philosophie de la nature humaine

Montaigne est le philosophe de la vie de tous les jours. Ce n’est pas un grand savant qui applique son savoir, c’est un homme qui essaie son jugement – d’où le titre de ses Essais. Son sujet favori est la nature humaine.

1. La sagesse des anciens

A. Le scepticisme de Montaigne

Il y a trois chemins du philosophe en quête de vérité: dire qu’il l’a trouvée, ou qu’on ne peut la trouver, ou qu’il la cherche encore. Le sceptique n’est pas le second, mais le troisième; car, pour juger que l’homme ne peut atteindre la science, il faut déjà détenir une science de l’homme. Les sceptiques savent bien leur ignorance, qui n’est donc pas entière.

Les sceptiques reçoivent toutes les opinions sans en adopter aucune. Ils font toujours l’épreuve de ce que l’on peut juger en tous sens.

Pour le vrai philosophe, le plaisir est plus grand de chercher la vérité que de la trouver. La célèbre devise de Montaigne est: «Que sais-je?»

B. Le stoïcisme et l’épicurisme de Montaigne

Le but de notre existence, c’est le plaisir, que nous recherchons jusqu’en la vertu. La sagesse n’a pas cette mine renfrognée et austère qui fait fuir les hommes, elle est gaie et folâtre; le sage est homme, âme et corps, qu’il mène chacun selon sa voie.

Les maux de l’existence dépendent moins de leur réalité que du jugement que nous en forgeons. La mort est douce à qui la conçoit d’un biais. Certes, nous ne tirons aucun soulagement de cette «science de gueule» que les demi-savants tiennent de la philosophie. Seuls peuvent prétendre à la constance la sagesse la plus haute et l’ignorance la plus basse: les sages et les paysans. Ce qui ne vaut rien, c’est l’entre-deux. Montaigne dit: «le cul entre deux chaises».

La plus grande sagesse, c’est au fond de se retirer du monde à soi. La retraite*, cette «arrière-boutique toute nôtre», est le siège le plus sûr et le plus exempt de maux.

2. La nature humaine

A. Le moi et les passions humaines

L’homme est «un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant». Nous ne sommes pas tous les mêmes, mais nous possédons tous, du moins à l’état naissant, toutes les tendances humaines. L’humanité en nous, c’est ce pouvoir de comprendre chaque homme en le devenant: «J’essaie de chausser son âme à mon biais», dit Montaigne.

La retraite est l’intimité de la conscience*. Ce que l’homme a de plus personnel, c’est ce qu’il a de plus universel. Par la conscience, nous sommes semblables; c’est qu’elle est un pouvoir de juger de toutes choses selon l’universelle nature humaine.

Montaigne ne juge pas des passions en mauvaise part; c’est qu’elles sont humaines. L’homme, composé d’âme et de corps, a par nature des passions qu’il faut observer sans condamner. Pour les connaître, il faut les ressentir, mais plus elles sont puissantes, plus elles nous sont obscures. C’est pourquoi il y faut cet entre-deux de connaissance et de vie, où se reconnaît l’expérience humaine.

B. «Philosopher, c’est apprendre à mourir»

La mort est notre plus universelle condition; nous y allons tous aussi certainement, et la vie n’est qu’un long mourir. Puisque philosopher, c’est apprendre à bien vivre, c’est aussi apprendre à bien mourir. Je dois mourir; je le dis; je le sais; mais est-ce que je vis ce savoir?

Le but de la vie, c’est le plaisir; la peur de la mort nous le gâche. C’est qu’elle vient à son heure, non à la nôtre. Le but est de ne pas se donner de peine de la mort; le meilleur moyen n’est pas de ne pas s’en occuper. Bien vivre, c’est aller, dans le sens de la vie, vers la mort; c’est la voie du sage. Le vulgaire, qui n’y pense pas, y va à reculons, terrorisé et abattu quand elle approche.

Savoir qu’on doit mourir nous libère de tous les maux; qu’est-ce qui importe à celui à qui mourir n’importe pas? Montaigne multiplie les arguments de sagesse; mais n’est-ce pas paroles en l’air? Parler est un savoir emprunté; le vrai savoir est celui qui se vit. «Je remets à la mort l’essai du fruit de mes études. Nous verrons là si mes discours me partent de la bouche, ou du cœur.»

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