L'épicurisme : L'amour du plaisir contre la crainte des dieux
L'épicurisme se propose la recherche du bonheur individuel dans un monde privé de repères
politiques. Le souverain bien est le plaisir, mais pas n’importe lequel…
1. La physique : le monde atomique
C’est une juste connaissance de la nature des choses qui permet au sage de dissiper les
craintes et les superstitions qui rongent notre existence.
Observons d’abord le monde: il est fait de corps en mouvement, composés d’éléments divers,
qui sont eux-mêmes composés. Mais on ne peut remonter ainsi indéfiniment: il y a des éléments
non composés, simples, insécables. Ce sont les atomes (a, privatif, tomein, couper). En nombre
infini, de formes différentes, ils sont les principes éternels de toutes choses. En mouvement
dans le vide, ils se rencontrent au hasard (en vertu d’une déviation infime et aléatoire de
leur trajectoire: le clinamen) et s’agrègent, selon leur forme et leur compatibilité, pour
former des corps composés, plus ou moins durables.
Tout découle ainsi du hasard – qui fait les rencontres – et des lois physiques – qui
décident de la viabilité des assemblages. Aussi, le monde, la vie sur terre n’existent pas
en vertu d’un projet divin, mais par le hasard d’une heureuse combinaison.
2. L’éthique
A. Destruction des superstitions
Un tel système évacue du monde toute volonté divine; aux phénomènes il faut chercher une
explication strictement physique, tirée des lois de la mécanique atomistique. Voilà qui est
propre à dissiper les superstitions qu’engendrait l’ignorance.
La religion est en effet née de la terreur qu’inspire aux hommes la puissance énorme et
mystérieuse de la nature. Infimes au milieu d’elle, ils l’ont personnifiée, divinisée, lui
attribuant une volonté dont ils ont voulu s’attirer la bienveillance en offrant des
sacrifices.
Mais la connaissance de la physique disperse comme autant de fumée toutes ces sombres folies:
le tonnerre effrayant n’est pas la colère de Zeus que nous devrions apaiser, mais l’entrechoquement
dans le ciel des particules qui constituent les nuées. Et ainsi pour tout.
B. «La mort n’est rien pour nous»
Le second mérite de la physique est de réduire l’autre grande cause de la religion: la peur
de la mort. Pourquoi craignons-nous la mort selon Épicure? Parce que nous redoutons de la vivre,
et tremblons de connaître ce qui la suit. Pour conjurer leur terreur, les hommes cherchent des
consolations religieuses, et tentent d’obtenir, par le sacrifice de leur bonheur terrestre, une
vie bienheureuse dans l’au-delà. La crainte de l’avenir dévore ainsi le présent.
Or cette peur est insensée: car tout comme le corps, l’âme est faite d’atomes. La mort est
leur dispersion définitive; rien ne subsiste donc qui pourrait laisser prévoir une vie après
la mort; quant à la mort elle-même, elle n’est rien que nous puissions ressentir: elle est
un néant, néant d’être et absence de toute sensation. Elle ne nous concerne pas, ne nous
touche pas. Tant que je suis là, capable de sentir, la mort n’est pas; quand elle est là,
je n’y suis plus. Puisqu’elle ne nous causera aucun trouble, l’inquiétude liée à son attente
est dénuée de sens. C’est l’imagination qui nous empoisonne.
C. Le plaisir et les plaisirs
Libéré des soucis qui séparent l’insensé de lui-même, le sage se concentre tout entier dans
l’instant présent, dont il peut jouir dans la plénitude: il atteint l’ataraxie*. Un seul guide:
le plaisir*. Il n’est autre, au fond, que la joie positive de se sentir exister. Sa condition
est d’abord l’absence de douleur et de trouble; sa réalisation, la jouissance des biens naturels
et nécessaires à la vie. Les satisfactions les plus simples deviennent ainsi les actes sacrés de
l’existence.
L’épicurisme ne se confond guère avec l’hédonisme, poursuite aveugle du plaisir sans distinction.
La raison doit en effet guider le sage dans sa quête: certains plaisirs momentanés doivent être
refusés, car ils ont pour conséquence de grandes douleurs, physiques ou mentales. La richesse, les
honneurs, la débauche, les excès en tout genre sont contraires à l’idéal d’indépendance et de
tranquillité de l’épicurien. Celui-ci mène une vie exigeante et joyeuse, loin de la fureur du
monde.
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