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Descartes : Bien conduire sa raison

Descartes présente la philosophie comme un arbre: ses racines sont la métaphysique, qui étudie les principes mêmes du savoir, son tronc est la physique, ses branches principales sont la mécanique, la médecine et la morale. Le but de la philosophie n’est donc pas la spéculation en soi, mais la fondation des sciences, qui doivent nous rendre «comme maîtres et possesseurs de la nature».

1. La méthode

A. Nécessité d’une méthode

Tous les hommes disposent de la faculté, proprement humaine, de distinguer le vrai d’avec le faux, nommée raison, ou «bon sens». Mais tous n’en usent pas correctement. «Ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien» (Discours de la méthode).

«Pour ce que nous avons été enfants avant que d’être hommes», nous tenons en effet pour vrais nombre d’opinions douteuses et de préjugés hérités du passé. Adultes, nous continuons de juger trop vite, de donner notre assentiment sans examen, d’admettre sans avoir réfléchi.

Il nous faut donc apprendre à conduire notre raison selon la voie droite de la science, grâce à l’usage d’une méthode. Celle-ci est l’«ensemble des règles certaines et faciles par l’observation exacte ­desquelles on sera sûr de ne prendre jamais le faux pour le vrai, et de parvenir à la connaissance de tout ce dont on sera capable» (id.).

B. Les buts de la méthode

Cette méthode doit être inspirée des mathématiques, qui, «à cause de la certitude et de l’évidence de leurs raisons», sont le modèle à imiter en toute connaissance. D’où l’idée d’une «mathématique universelle» (mathesis universalis), construite par l’application de la raison, ou «lumière naturelle», à tous les objets possibles, unifiés dans un savoir total.

À une multiplicité de sciences hétérogènes se substituerait ainsi une science unique, fondée sur une attitude particulière de l’esprit, la méthode scientifique, applicable à toutes choses indifféremment.

Quelle est donc cette méthode? Ayant deux objectifs – éviter l’erreur et trouver la vérité, elle se présente à la fois comme un effort de la volonté pour conjurer la paresse et la précipitation et comme une démarche de l’intelligence pour construire le vrai.

2. Le contenu de la méthode

A. L’intuition du clair et du distinct

La première règle de la méthode est de ne tenir pour vrai que ce qui apparaît avec évidence être tel. Les caractères de l’évidence sont la clarté et la distinction, qui seules doivent entraîner notre adhésion. Est claire l’idée qui se manifeste vivement à un esprit attentif, c’est-à-dire actif, sur ses gardes, prudent; et distincte celle dont le contenu apparaît assez nettement pour qu’on la distingue des autres.

Une idée peut être claire sans être distincte: ainsi une douleur, que l’on ressent manifestement, sans pouvoir nécessairement la localiser.

L’évidence est saisie par l’esprit sans l’intermédiaire d’une démonstration*, dans un acte absolument simple: l’intuition, qui est contact immédiat avec l’idée. Ainsi en mathématiques, les vérités premières (ou axiomes) comme A = A ne sont pas démontrables, mais immédiatement évidentes, par simple intuition. Toute évidence produit en l’esprit la certitude, qui est le contraire du doute.

B. L'analyse, la déduction et la synthèse

La deuxième règle est de diviser les difficultés en autant de parcelles qu’il est nécessaire pour les résoudre. C’est le travail de l’analyse: ramener les problèmes complexes à des données simples.

La troisième est de conduire ses pensées en allant du plus simple au plus complexe, selon l’ordre de la déduction. Différente de l’intuition simple, celle-ci suppose la médiation d’un raisonnement. Partant du déjà connu, elle nous conduit à une vérité nouvelle par synthèse ou combinaison d’éléments simples (A = A, donc AÜ non-A, donc A Ü B, etc.). Elle est en fait une succession d’intuitions: celle de la proposition de départ, et celle du lien logique qui implique la suivante. Ainsi toute vérité est soit immédiatement évidente, soit déduite d’évidences premières.

Enfin, la quatrième règle est de vérifier que la division des difficultés a été complète, et que la continuité de la déduction n’a pas été rompue. Le but est en effet de donner à la chaîne déductive autant d’évidence qu’en ont les vérités premières, pour conférer à toute connaissance la certitude des mathématiques.

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