Comte : Ordre et progrès
Prenant acte de la révolution industrielle et de la Révolution française, Comte a pour projet la
«réorganisation» spirituelle, morale et politique de l’humanité, pour l’adapter à l’âge de la
science.
1. L’âge positif
A. La loi des trois états
Selon Comte, l’humanité, aussi bien que l’individu, se développe en passant par trois états
successifs. Dans le premier, l’état théologique, l’esprit humain explique les phénomènes en les
attribuant à des volontés divines, à des forces vivantes (magie, fétichisme*).
Dans l’état métaphysique, il cherche des causes absolues, il invoque des entités abstraites,
comme la nature, la raison, la substance.
L’état positif (ou scientifique) rompt avec cette quête d’absolu, pour s’en tenir au relatif,
c’est-à-dire à l’établissement, grâce à l’observation et à l’expérimentation guidée par l’hypothèse
(le positivisme n’est pas l’empirisme, «stérile accumulation de faits incohérents») des relations
constantes entre les phénomènes (lois). La question «pourquoi?», métaphysique, laisse place à la
question «comment?», scientifique. Ce savoir est utile car il permet la prévision.
B. Des mathématiques à la sociologie
Comte complète cette loi par une classification des sciences (mathématiques, astronomie, physique,
chimie, biologie et sociologie); cette classification historique est aussi une hiérarchie, correspondant
à une complexité croissante dans la réalité. L’inférieur conditionne le supérieur, mais ne le détermine
pas, comme le croit le matérialisme*.
Le vivant, par exemple, est irréductible au physico-chimique. L’association des molécules de matière
inorganique n’a pas son principe dans les éléments associés. L’ordre du tout n’a pas son principe dans
les parties.
Les sciences des objets les plus simples sont parvenues les premières à l’état positif; la dernière,
la plus complexe, mais aussi la plus digne, est encore à faire, c’est la science de ce vivant particulier,
collectif, qu’est l’humanité dans son existence réelle, sociale: la sociologie.
2. De la sociologie à la nouvelle religion
A. Ordre et Progrès
La société n’est pas une somme d’individus autosuffisants, mais la structure première qui
conditionne leur existence. L’individu seul, séparé de l’ordre qui le soutient, n’est qu’une
abstraction; il ne peut exister. Le premier atome réel de la société, c’est le couple, la famille
élémentaire. L’homme ne subsiste que dans un système de relations (famille, travail, patrie), dans
un ordre.
L’ordre est nécessaire, il assure la cohésion sociale. Mais il évolue. À la statique sociale doit
donc se joindre la dynamique, étude du développement de la société, de son progrès (selon la loi des
trois états).
Or, «le Progrès est le développement de l’Ordre» (Système de politique positive). Il est une
accumulation historique, non pas un arrachement radical au passé, mais sa réorganisation continue
par le présent. Le progrès est donc inséparable de la tradition, sans laquelle l’humanité, qui est
faite de «plus de morts que de vivants», n’existerait pas.
B. Politique positive et religion de l’humanité
Si Comte critique l’individualisme révolutionnaire, il refuse aussi le romantisme réactionnaire. Il
ne prône pas le retour en arrière, mais l’organisation de la nouvelle société, scientifique et
industrielle.
L’ordre social est suspendu à un double pouvoir: temporel et spirituel. Le second (autrefois
théologique, aujourd’hui scientifique) justifie, mais aussi limite et conseille le premier (autrefois
militaire, aujourd’hui industriel), qui administre. Il assure aussi l’unité du tout par le maintien
d’une foi commune.
La société moderne étant de plus en plus différenciée, ses organes prenant de plus en plus
d’indépendance, le pouvoir spirituel est d’autant plus nécessaire pour assurer une dimension
communautaire, un lien religieux.
L’unité sociale exige en effet une religion, c’est-à-dire la reconnaissance et l’amour d’un
principe qui lie entre eux les êtres et justifie leur existence. Dans l’état positif, elle est
aussi nécessaire; mais son objet sera l’humanité elle-même, comprise comme une exigence, impliquant
l’altruisme, et vénérée dans ses plus hautes figures, les grands hommes.
Suivez-nous sur