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Tartuffe ou l’imposteur

1:Argument

L’exposition tellement vantée par le poète allemand, Goethe, commence avec une scène de goupe, au sein de la famille d’Orgon. Tout au long de cet acte, il est question de Tartuffe : tandis que Madame Pernelle, mère d’Orgon, voit en lui « un homme de bien », les autres se récrient, ce n’est qu’un hypocrite. Et pourtant, Orgon semble envoûté par cet homme :

Ses moindres actions lui semblent des miracles,
Et tous les mots qu’il dit sont pour lui des oracles.
Quelque mal qu’on lui dise au sujet de Tartuffe, il ne peut que le plaindre : « le pauvre homme ».

L’acte II tourne autour du mariage que projette Orgon entre sa fille et Tartuffe. Mariane, amoureuse de Valère, se désespère. Dorine, sa servante, a un plan d’attaque. Ici paraît enfin Tartuffe, au début de l’acte III :

Laurent, serrez ma haire avec ma discipline.

Il se laisse prendre au piège de Dorine qui connaît sa faiblesse, et face à Elmire, la femme d’Orgon, sous des apparences faussement mystiques, il lui déclare bientôt sa flamme. Damis, le fils, qui a surpris l’entretien, en accuse Tartuffe auprès d’Orgon. Mais l’hypocrite réussit par sa ruse extrême à gagner d’autant plus l’estime et la faveur d’Orgon qui chasse Damis, et déshérite toute sa famille au profit du coquin. Tartuffe feint de résister, et cède enfin :

La volonté du Ciel soit faite en toute chose.

À l’acte IV, Orgon s’entête en cette méchante erreur, et pour le détromper, Elmire renouvelle l’expérience, et se propose de démasquer l’imposture. Cette fois, c’est Orgon lui-même qui, caché sous la table, surprend les avances de Tartuffe à sa femme. Il veut le chasser, mais en partant, Tartuffe se déclare maître de la maison. Il revient à l’acte V, avec les forces de l’ordre, pour en chasser les occupants et arrêter Orgon, en raison d’une cassette compromettante que celui-ci avait imprudemment confiée à celui-là. La catastrophe finale est évitée in extremis, car le prince fait arrêter Tartuffe, bien connu pour tous ses forfaits, tandis qu’on pardonne à Orgon, dont l’ancienne loyauté envers le roi se trouve récompensée.

2:Analyse

Il n’y a pas un mais trois Tartuffe, car Molière, victime de la cabale des dévots et de rivaux jaloux, dut plus d’une fois remanier le texte. L’ampleur des polémiques autour de cette pièce, qui fut interdite par le premier président du parlement, Lamoignon, et enfin autorisée par Louis XIV expressément, indique assez l’importance des enjeux.

La composition est remarquable. L’exposition est brève, claire, complète, vivante et vraisemblable – cinq qualités rarement réunies. L’arrivée de Tartuffe, dont tout le monde parle, est repoussée jusqu’au troisième acte, et son entrée tant attendue est frappante en effet. L’intrigue est solidement nouée. Mais on a parfois reproché à Molière la rapidité et l’invraisemblance du dénouement où l’envoyé du roi arrive comme un deus ex machina*, pour résoudre une mystérieuse affaire de cassette. C’est méconnaître cette affaire. Tartuffe n’est pas seulement une peinture de caractère pour stigmatiser les faux dévots. Au-delà de la satire* morale et religieuse, la pièce touche à un problème politique fort délicat, qu’il convient d’éclaircir.

L’intrigue fictive de la pièce repose apparemment sur une cassette réelle, que la police de l’époque recherchait en effet. Le parti des dévots, où s’étaient secrètement réfugiés de nombreux frondeurs, entretenait une puissante et grondeuse opposition à la politique de Louis XIV. Orgon, que le roi récompense dans la pièce pour sa loyauté, ne fut certainement pas un frondeur ; en revanche, l’ami qui lui confie une cassette, et doit s’enfuir aussitôt, l’est sûrement. Il y a des raisons de penser que cette cassette contenait la liste secrète des chefs de la révolte des frondeurs et des dévots, elle était donc très compromettante. Orgon ne savait pas en la livrant aux mains de Tartuffe que celui-ci irait la remettre aux autorités ; mais Tartuffe ignorait tout autant qu’en la remettant aux autorités, il se trahissait, car dans cette liste devait figurer son nom. C’est donc lui, et non Orgon que le roi arrête finalement. L’intervention du roi n’est donc pas une facilité dramatique pour dénouer l’intrigue, elle signale la dimension politique de la pièce, qui repose sur des bases obscures mais historiques.

Mais le plus frappant demeure la figure de Tartuffe, dont le nom tellement emblématique est passé dans la langue commune pour désigner tout faux dévot, et plus généralement, tout hypocrite. C’est assez dire quel succès la pièce a rencontré depuis sa création.

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