Le surréalisme
1 le mouvement surréaliste
1.1 La révolte surréaliste
Au lendemain de la Première guerre mondiale, le mouvement surréaliste naît de la rencontre
d'André BRETON, Philippe SOUPAULT, Paul ELUARD, Benjamin PERET et Louis ARAGON. Ensemble, ils
proposent une remise en question brutale, totale, des constructions poétiques, artistiques et
sociales héritées des générations précédentes, qui amenèrent l'Europe à ce conflit meurtrier.
De cette jeunesse fauchée sur les champs de bataille, sacrifiée à la guerre et à l'horreur
des tranchées, naît un rejet fondamental de la religion et de la société qui trouve son
inspiration dans ce leitmotiv : " Le salut pour nous n'est nulle part ". De ce rejet résulte
une négation des contraintes esthétiques passées, fondée sur un mythe de l'ordre et de la
beauté, valeurs fondatrices de la culture d'avant-guerre.
S'attaquant aux pères fondateurs de ce système de pensée, les surréalistes dénoncent les
préjugés, les a priori et le conformisme de ces œuvres, jugées sans relief et sans véritable
substance (les écrits de Paul Valéry et de Claudel par exemple, sont l'objet d'un dénigrement
et d'un rejet massif).
1.2 Le dessein des surréalistes
On ne peut pas néanmoins parler d'une école, au même titre que le Parnasse ou les Symbolistes.
Les surréalistes sont unis par une même inspiration d'obédience anarchiste, selon laquelle la
volonté de créer une œuvre artistique est secondaire. L'objet premier de leur recherche est de
définir une " attitude face à l'existence ", et pour ce faire, d'amener à une " nouvelle déclaration
des droits de l'Homme ".
A ce titre, la poésie offre aux surréalistes un moyen de reconquérir une liberté perdue, à
travers une activité créatrice libérée de son carcan esthétique passé. La poésie doit donner à
l'homme la possibilité d'explorer sa conscience, ses recoins obscurs préservés de toute influence
et qui fondent la personnalité profonde de l'individu, ce que décrit A. BRETON lorsqu'il dit que
" l'exploration de la vie inconscient fournit les seules bases d'appréciation valable des mobiles
qui font agir l'être humain ".
Les surréalistes s'inspirent de Lautréamont, leur maître à penser, de Rimbaud, d'Apollinaire,
inventeur du mot " surréalisme " même, et du legs du mouvement dadaïste.
1.3 La démarche du surréalisme
Les surréalistes se regroupent au sein d'un " bureau de recherche ", d'une Centrale au sein
de laquelle les intellectuels et les artistes travaillent dans un but commun d'amélioration.
Influencés par les travaux de Freud et le développement de la psychanalyse, les surréalistes
s'intéressent aux états de la conscience antérieurs et postérieurs à la pensée logique.. Il en
résulte une analyse des phénomènes extrêmes (névroses, hallucinations, hypnose, dédoublement
de personnalité …) qui affectent la psyché des individus ou leur comportement.
Selon l'expression du mouvement, " la poésie est le contraire de la littérature ", les
surréalistes rejettent la conceptualisation au sein de la poésie. Le poème n'est pas le lieu
d'expression de l'intellect, d'un mouvement ou d'une forme de pensée. La poésie est selon eux
un moyen de s'ouvrir à toutes les influences, d'assurer une disponibilité absolue de l'esprit
aux différences des consciences libérées.
Aux yeux d'André BRETON, l'activité surréaliste se transcrit à travers la recherche
d'automatismes, traduisant directement le fondement de la pensée (" l'écriture automatique "),
exprimant le fonctionnement réel de la pensée. Les surréalistes recherchent une dictée automatique
de la pensée en dehors de toute Raison, de toute dimension esthétique ou morale. La " surréalité "
est le résultat de cette intériorisation mécanique, qui fournit la matière d'une connaissance
véritable.
Cette vision de la création poétique, détachée de toute considération d'inspiration ou d'idée,
implique de se dégager de toutes les contraintes considérées autrefois comme nécessaires voire
indispensables. Les formes, la recherche d'effets, participent de compromissions qui mettent en
danger la pureté, la sincérité de la création. D'où la recherche de procédés nouveaux tels que
'écriture automatique', simple retranscription mécanique des mots qui viennent à l'esprit, sans
censure, sans réflexion. Ainsi, le poète protège l'authenticité, loi fondamentale de toute
création poétique. Aragon pensait néanmoins que " tout dans le surréalisme est rigueur. Rigueur
inévitable. Le sens se forme en dehors de vous ". La 'surréalité' se trouve donc au confluent
de la création mécanique, directement issue de la conscience, et d'une palette de procédés
techniques qui confèrent à la création elle-même une rigueur indispensable.
2 André Breton et la mouvance surréaliste
2.1 André Breton, père fondateur du surréalisme
A. BRETON, incorporé durant la guerre de 1914-1918, fit ses armes dans un service
psychiatrique où il découvrit les théories freudiennes et prit conscience de la capacité de
cette discipline à refondre les systèmes de pensée et de représentations mentales. Il prit part
dès la fin du conflit aux troubles du mouvement " dadaïste ", prônant un rejet en bloc des
valeurs traditionnelles.
Il écrit en 1924 le Manifeste du surréalisme, couplé à la Révolution surréaliste, revue
phare du mouvement. Il devint de plus en plus impliqué dans ce mouvement, au point de dédier
son œuvre à l'idéal surréaliste. Son œuvre partagée avec Soupault, Eluard et Char, se teinte
d'une poésie chaotique, torturée. En 1919, il publie les Monts de piété, puis les Champs
magnétiques en 1921, l'Immaculée conception en 1930 et surtout Nadja en 1928, récit à caractère
autobiographique.
Breton est resté tout au long de sa vie fidèle à la ligne de conduite apolitique du mouvement,
protégeant l'autonomie de la conscience et des idées, affirmant le mouvement comme la seule école
de pensée libre et créatrice.
2.2 La poésie et les surréalistes
Compagnon de route des premiers instants avec BRETON, Louis ARAGON, né en 1897, appartint dans
un premier temps au groupe Dada avant de contribuer à partir de 1930 à l'essor et à l'épanouissement
du mouvement. Dès son premier recueil, Le mouvement perpétuel, de 1924, on dénote chez ARAGON une
faculté unique de mettre en exergue de nouvelles formes de syntaxe, des inventions lexicales et
verbales qui traduisent le foisonnement d'idées qui est le propre de l'expression artistique
surréaliste.
Sous l'impulsion de la révolution Bolchevique de 1917, puis du mouvement de la Résistance de la
Deuxième guerre mondiale, ARAGON développe un style plus régulier, un vers davantage structuré et
maîtrisé. Dès lors, son œuvre se structure essentiellement autour du sentiment patriotique exalté
dans sa poésie et d'un sentiment populaire, profondément humaniste.
De même, Paul ELUARD adopte dans sa poésie et dans sa prose une attitude typiquement surréaliste,
mêlant rêve et réalité dans ses recueils Capitale de la douleur (1926), La Rose publique de 1934, et
Les yeux fertiles de 1936. Tout comme ARAGON, ELUARD s'engage ouvertement dans la bataille politique
de l'entre-deux guerres et demeure fasciné par le mouvement de la résistance française, fortement
imprégné dès ses débuts d'influences communistes.
La poésie d'ELUARD reflète sa proximité à la nature, aux êtres, son intimité avec la personne
aimée, dont il chante les l'amour à travers une poésie chaude et harmonieuse.
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