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Samuel Beckett

1:Vie de l’auteur

Samuel Beckett naît et grandit en Irlande en ce début de siècle. En 1928, il occupe un poste de lecteur à l’École Normale Supérieure, et se fixe définitivement à Paris à partir de 1938. Il écrit ses premières œuvres en anglais, puis les traduit lui-même en français, composant principalement dans sa langue d’adoption à partir de 1945.

Son œuvre comprend de nombreux romans : Murphy (écrit en anglais en 1938, traduit en 1947), Molloy (1951), Malone meurt (1952), L’Innommable (1953), Nouvelles et textes pour rien (1955), Watt (1969). Mais il a eu plus encore de succès sur la scène : En attendant Godot (1953), Fin de partie (1956), La Dernière Bande (1958), Oh ! les beaux jours (1963). Le succès international de Beckett et la qualité remarquable de ses écrits lui ont valu le prix Nobel de littérature en 1969.

Influencé par son compatriote et ami, le romancier James Joyce, et par l’écrivain tchèque Franz Kafka, Samuel Beckett constitue, avec Ionesco, Adamov et Genet, ce courant que la critique a nommé le Nouveau Théâtre, dont il radicalise les tendances ordinaires. Ses écrits mettent en œuvre un pessimisme profond quant à la condition humaine, réduite à sa plus simple expression. Il met en scène une humanité déchue, enlisée dans les marais de l’attente, du délire, et de l’angoisse. Ce monde, privé de transcendance, est de toutes manières condamné à la répétition, à la souffrance, puis à la mort.

Ses romans et ses drames mettent en pièces les catégories littéraires traditionnelles, l’intrigue, la psychologie : l’intrigue est un néant prolongé, à l’image de l’existence, et les personnages mis en scène, clowns, clochards, légumes, ombres balbutiantes, n’ayant souvent pas de passé, et d’avenir, encore moins, n’ont presque plus d’identité. Ils sont une présence physique, chair et plaies. Voilà l’essentiel. Telle est la vie, absurde.

Reste alors le langage, dans sa dérisoire tentative pour dire « l’innommable », mais « nommer, non, rien n’est nommable ; dire, non, rien n’est dicible ». Alors quoi ? le rire, car le miracle de ce théâtre est de susciter dans le malaise un rire atroce, cruel et peut-être libérateur.

2:En attendant Godo, résumé et commentaires

Sur la scène à peu près vide : un arbre, deux clochards, Vladimir et Estragon. Ils attendent un dénommé Godot, sans savoir qui il est, ni pourquoi ils l’attendent. Il alimente du moins la conversation, et l’attente de Godot justifie leur présence, sinon leur existence. Le temps s’étire, leur misère aussi, le dialogue se prolonge sans raison. Mais surviennent Lucky et Pozzo. La relation abjecte qui les unit fait de Lucky le souffre-douleur de Pozzo. Cet attelage monstrueux s’en va. On annonce que Godot ne viendra pas ce soir, mais le lendemain. Le lendemain, tout recommence, comme la veille : l’attente, Lucky et Pozzo, bien vieillis cependant, puis le message qui annonce que Godot ne viendra que le lendemain.

La dimension satirique de la pièce de Beckett apparaît avec l’étrange paire que forment Lucky et Pozzo. On pourrait y voir une critique de la tyrannie sociale, l’exploitation quotidienne de l’homme par l’homme. Ce pourrait être aussi une dénonciation de la tyrannie conjugale. Mais ce pourrait être encore tout autre chose. À vrai dire, nul n’en sait rien. D’ailleurs, tout cela a-t-il un sens ? N’est-ce pas au contraire le règne de l’absurde ? Ce qui est certain, c’est que Lucky, dont le nom, ironie tragique, signifie « chanceux » en anglais, est l’esclave de Pozzo, qui l’utilise comme bête de somme, et le fouette sans cesse.

Il est tentant de voir dans cette pièce, et notamment dans le couple Vladimir-Estragon, une fable allégorique de la condition humaine. La misère sociale de ces mendiants serait le reflet de la misère existentielle de tous les hommes. Ce Godot qu’ils attendent, puisque Dieu se dit God en anglais, n’est-il pas une parodie de divinité ? Cette attente même, n’est-elle pas l’existence de tous les hommes, toujours en quête de quelque chose, sans savoir quoi au juste ? Par ailleurs, on peut aussi trouver dans le dialogue les fragments épars d’une méditation philophique sur le temps. Le temps cyclique, sans forme, qui se prolonge, qui vieillit prématurément Lucky et Pozzo, est peut-être le vrai sujet de cette pièce.

Mais ce drame en deux parties est aussi une farce drolatique. La banalité répétitive des propos suscite le rire. Tous ces éléments de métaphysique* et de clownerie ont conduit Jean Anouilh à voir dans cette pièce « un sketch des Pensées de Pascal traité par les Fratellini ».

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