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Rabelais

1 Sa vie, son oeuvre

1.1 La carrière de Rabelais

François Rabelais, né en 1494 non loin de Chinon en Bourgogne, est fils d'un assez gros propriétaire terrien. Initié de bonne heure aux lettres anciennes, il parachève sa formation humaniste au couvent de Fontenay-le-Comte, où son père l'a fait entrer. Mais il a l'esprit trop indépendant pour rester moine bien longtemps. Il quitte le couvent en 1528 et, trois ans durant, étudie tout à tour à Bordeaux, Toulouse, Orléans, Paris. A Montpellier, il fait sa médecine pour gagner sa vie et élargir sa culture humaniste. En 1532, il est nommé médecin de l'Hôtel-dieu où il soigne 200 malades. Il se livre désormais aux activités les plus diverses : soins aux malades, recherches scientifiques, missions à l'étranger, charges ecclésiastiques, création littéraire, jusqu'à sa mort en 1553.

1.2 L'œuvre de Rabelais

Dès 1532, Rabelais entreprend une vaste épopée burlesque dont les premiers volumes, Pantagruel, Gargantua, attirent les foudres "sorboniques". Beaucoup plus tard, il publie un Tiers Livre, puis un Quart Livre, qui furent aussi vivement discutés.

Pantagruel (1532) et Gargantua (1534) content les aventures mirifiques du géant Gargantua, de son père Grandgousier et de son fils Pantagruel.

Le Tiers livre (1546) et le Quart Livre (1552) sont consacrés à Panurge, l'ami de Pantagruel. Ne sachant s'il doit ou non se marier, il entreprend un long voyage et interroge les uns et les autres.

Le Cinquième Livre, dont l'authenticité est contestée, conduit Panurge et Pantagruel au terme de leur quête : ils consultent l'oracle de la Dive Bouteille qui leur répond : "Trinch", c'est-à-dire "Buvez", leur laissant entendre qu'il faut s'abreuver à la source de la science.

2 La pensée rabelaisienne

2.1 L'humanisme

Rabelais, travailleur infatigable, d'une curiosité universelle, est avant tout un érudit qui a accumulé une somme prodigieuse de connaissances. Il voudrait faire partager, à tous, les voluptés qu'il a connues en étudiant : c'est pourquoi l'éducation intellectuelle de Pantagruel consiste à faire de lui un "abîme de science".

Science et sagesse, pour Rabelais comme pour les hommes de son temps, se confondent avec la connaissance de l'Antiquité. La foi superstitieuse dans les textes anciens est le caractère le plus frappant de la pensée rabelaisienne. Il invite au retour aux sources, qu'il s'agisse de Platon pour la science morale, du droit romain pour la science juridique ou des Évangiles pour la religion.

2.2 L'amour de la nature

Le second trait caractéristique de la pensée rabelaisienne est l'amour de la Nature. Rabelais, passionné de médecine et de botanique, a aimé, admiré les choses. Son oeuvre fourmille de remarques sur les phénomènes multiples du monde matériel et du monde vivant. En réaction contre l'ascétisme chrétien du Moyen-age, il se fait le défenseur du naturalisme antique auquel il emprunte son idéal d'épanouissement physique et moral de l'être humain. Médecin, il réhabilite le corps, qui tient une grande place dans son oeuvre, avec la vie physique, la nourriture, les fonctions naturelles. Ce culte de la Nature s'étend à la vie morale puisque Rabelais montre une confiance infinie dans la nature humaine qu'il juge fondamentalement bonne. Il faut, pense-t-il, s'abandonner à elle avec confiance et la suivre fidèlement.

2.3 Pantagruel : l'idéal rabelaisien

Pantagruel incarne l'idéal rabelaisien. "Abîme de science", il en a le savoir et la soif de connaissance. Quant à la sagesse de Pantagruel, que Rabelais appelle "pantagruélisme", elle consiste à vivre sans contrainte, dans la joie et la simplicité.

L'idéal moral de Rabelais est donc fait de science et de cette sagesse, fondée sur la bonté de la nature humaine, qu'il résume dans la formule : "Fay ce que vouldras" et qui consiste à savoir mener une vie saine selon la nature.

3 Rabelais artiste

3.1 Réalisme et fantaisie

Rabelais est un merveilleux peintre de la nature. Il parvient à saisir, des êtres et des situations, la singularité. Il excelle à évoquer le mouvement, animer un dialogue, esquisser des portraits, en un mot à peindre intensément les formes multiples de la vie.

Pourtant, dans le même temps, l'imagination de Rabelais le conduit à mêler à ce réalisme pittoresque une fantaisie débridée. Cette fantaisie prend forme dans les inventions, les raisonnements paradoxaux, la mise en relief d'objets rares et curieux. Mais, surtout, c'est dans le grossissement que l'imagination de Rabelais se manifeste le plus sûrement. Il met en scène une humanité simplifiée et agrandie, presque caricaturale et éminemment symbolique.

3.2 L'invention verbale

Le vocabulaire rabelaisien se signale par sa richesse prodigieuse. Rabelais emprunte aux langages techniques, aux langues mortes, aux langues étrangères, aux dialectes provinciaux. Il forge des mots, les déforme pour engendrer calembours et coqs à l'âne. Il crée néologismes et onomatopées. Il cite proverbes et dictons de toutes les classes et de tous les métiers. Sa phrase s'enfle sous le flot des synonymes, se nourrit d'énumérations et d'accumulations.

3.3 Comique et symbolisme

On trouve, chez Rabelais, toutes les formes et tous les degrés du comique, des farces les plus lourdes, héritées du Moyen-age, à la comédie de caractère la plus fine. Il y a tous les tons : gauloiserie poussée jusqu'à la grossièreté, farces d'écoliers et jeux d'érudits, jeux de mots, calembours, caricatures, parodies..., etc...

Mais que l'on ne s'y trompe pas, de cette oeuvre d'une gaieté sans mesure, Rabelais nous invite à tirer "la substantifique moelle" : il faut savoir briser l'os de la bouffonnerie pour atteindre à la substance même du livre. Tout y est symbole et s'y prête à une double lecture. Sous la plaisanterie se dissimulent des réflexions des plus sérieuses sur l'éducation, la guerre (condamnation des guerres de conquête), les institutions sociales (satires de la justice, de la magistrature, du monde universitaire) ou les institutions religieuses (railleries sur le Pape et les théologiens de la Sorbonne).

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