Poèmes saturniens
Introduction
Les Poèmes saturniens sont des vers de jeunesse que Verlaine composa alors qu’il était
encore au lycée. L’influence des poètes qui lui sont chers, Hugo, Baudelaire ou Leconte de
Lisle, est fondue dans une poésie aux accents déjà très personnels. Outre le prologue et
l’épilogue, le recueil compte vingt-cinq poèmes réunis en quatre sections : « Mélancolia »,
« Eaux fortes », « Paysages tristes », « Caprices », à quoi s’ajoutent une douzaine de poèmes
en liberté. Les lecteurs avisés, Rimbaud fut de ceux-là, surent dès lors qu’une étoile nouvelle
brillait au firmament des lettres.
1:Amour et mélancolie
L’amour est l’âme continue des vers de ce recueil. Ce sentiment, souvent, est source de
sensualité, lorsque Verlaine évoque, par exemple, le « Baiser,/ Rose trémière au jardin des
caresses ». Ce désir, érotique et subtil, s’arrête ici ou là : ici passe Marco, dont la beauté
impitoyable charme les jeunes hommes ; là, au détour d’un rêve, surgit l’image « D’une femme
inconnue, et que j’aime, et qui m’aime ». Mais il n’y a guère de désir chez Verlaine qui ne
soit traversé de quelque nostalgie : « Le souvenir avec le Crépuscule/ Rougeoie et tremble à
l’ardent horizon/ De l’Espérance », et le poète tourmenté s’écrie dans « Nevermore » :
« Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? » Refusant le lyrisme solennel ou ostentatoire des
romantiques, il transpose dans une nature symbolique l’intimité du sentiment. De là vient
la beauté des « Soleils couchants » : « Une aube affaiblie/ Verse par les champs/ La mélancolie
/Des soleils couchants./La mélancolie/ Berce de doux chants/ Mon cœur qui s’oublie/Aux soleils
couchants. »
2:L'art et l'artiste
Les influences romantiques et parnassiennes sont sensibles dans ce recueil : ce goût de
l’élégie*, ce goût de la peinture, par exemple. Mais Verlaine s’éloigne de ses prédécesseurs :
« Je ris de l’art », dit-il crânement, « Et je hais toujours la femme jolie/ La rime assonante
et l’ami prudent. » Il chante le « Triste Idéal qui s’écroule », car « une influence maligne »
pèse sur le poète. Une épigraphe, en tête du recueil, en expliquant le titre, précise la
douloureuse condition du poète : « Or ceux-là qui sont nés sous le signe SATURNE/ Fauve
planète, chère aux nécromanciens/ Ont entre tous, d’après les grimoires anciens/ Bonne part
de malheur et bonne part de bile./ L’Imagination, inquiète et débile/ Vient rendre nul en
eux l’effort de la Raison. »
Poète saturnien, poète maudit, il fut aussi, à juste titre, le « Prince des poètes ».
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