La double inconstance de Marivaux
Introduction
Dans Arlequin poli par l’Amour, les deux héros parviennent à préserver leur amour d’une
fée, amoureuse et jalouse du jeune homme. Trois ans plus tard, La Double Inconstance, comédie
en trois actes et en prose, met en scène une intrigue similaire, mais dont l’issue est opposée.
Les deux comédies forment un intéressant dyptique théâtral.
1:Argument
Le prince, qui veut l’épouser, a fait enlever Silvia, une jeune paysanne, mais elle refuse
ses avances, et se désole de l’absence d’Arlequin, qu’elle aime tant. Avec l’aide de Flaminia,
il met au point un stratagème pour séparer les deux amants, et tandis que le prince, déguisé en
officier, cherche à gagner Silvia, Flaminia courtise Arlequin. Lorsque Silvia apprend que les
dames de la cour se moquent de ses rustiques manières, elle décide de les confondre, et accorde
une oreille charmée aux tendres discours de l’officier. Parallèlement, Arlequin trouve Flaminia
décidément délicieuse. Le dénouement justifie le titre, et la pièce s’achève sur cette double
inconstance où chacun trouve heureux profit et mariage.
2:Analyse
Outre les éléments de satire* sociale, l’amour est ici l’intérêt principal, un jeu quelque
peu libertin*, mais la sincérité des cœurs dans l’infidélité des mœurs rend aux sentiments
croisés une grâce toute naturelle. L’amour ancien, idyllique et quasi sororal, qui unissait
les deux jeunes gens, se trouve combattu en leur cœur par un sentiment puissant, qui, pour
être nouveau, n’en est pas moins véritable. L’amitié, la jalousie, la compassion sont autant
de degrés par où passe Arlequin avant d’être enfin conscient de son cœur, et Flaminia, qui
jouait la comédie d’amour, finalement prise à son propre jeu, s’éprend d’Arlequin. Quant à
Silvia, l’ennui, l’amour propre, la jalousie et la tendresse la conduisent infailliblement
vers cet aimable officier où se cachait le prince détestable, ou qu’elle croyait détester.
L’amour s’en va, l’amour s’en vient, rien n’est plus naturel dans cette comédie, rien n’est
plus mystérieux pourtant pour les héros : « C’est que mon amitié est aussi loin que la vôtre ;
elle est partie : voilà que je vous aime, cela est décidé, et je n’y comprends rien. », dit
Arlequin à Flaminia. Quant à Silvia, elle s’excuse au sujet d’Arlequin : « Lorsque je l’ai
aimé, c’était un amour qui m’était venu ; à cette heure que je ne l’aime plus, c’est un amour
qui s’en est allé ; il est venu sans mon avis, il s’en retourne de même, je ne crois pas être
blâmable. »
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