Alfred Jarry
Vie et oeuvre
Alfred Jarry est doué d’une personnalité fantaisiste, dont il se flatte. Ses tenues excentriques,
ses amitiés intimes, et surtout ses premières œuvres, font de lui le « gentil truqueur » de génie que
décrit Oscar Wilde. Le personnage d’Ubu, qui fit sa fortune et sa réputation, apparaît dès les premiers
recueils de vers, Les Minutes de sable mémorial (1894) et César Antéchrist (1895). Mais il occupe le
devant de la scène dans les pièces à venir, Ubu roi (1896), Ubu enchaîné (1900), Ubu cocu (édition
posthume en 1944). Jarry écrit encore Les Jours et les nuits (1897), L’Amour en visites (1898), L’Amour
absolu (1899), Messaline, roman de l’ancienne Rome (1901), Le Surmâle, roman moderne (1902), Gestes et
opinions du docteur Faustroll, pataphysicien (1898).
Ubu, ancien roi d’Aragon, est officier du roi de Pologne Venceslas. Encouragé par Mère Ubu, il finit
par massacrer la famille royale, prendre le pouvoir qu’il exerce avec tyrannie, avant d’être lui-même
renversé par Bougrelas, le fils de Venceslas. L’intrigue politique d’Ubu roi, est une parodie énorme et
grotesque de la tradition shakespearienne et romantique (on peut penser à Macbeth, par exemple). Elle
commence sur un mot fameux, qui donne le ton : « Merdre ! » La violence bouffonne et parfois obscène,
la « chandelle verte » du Père Ubu, sa bêtise et sa méchanceté ont scandalisé le public. Il est vrai
que Jarry dynamite toutes les conventions du réalisme et de la psychologie théâtrale. Le personnage de
Père Ubu ressemble en fait à une marionnette anarchiste ou tyrannique, une caricature en somme.
Les autres œuvres de Jarry ont aussi ce caractère d’étrangeté loufoque et de canular mystérieux. Il a
inventé cette discipline drolatique, la « pataphysique », « science des solutions imaginaires, qui accorde
symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité », une science qui a
encore aujourd’hui ses adeptes. Il définit ainsi Dieu comme « le plus court chemin de zéro à l’infini ».
L’humour noir, la féerie macabre, l’érotisme, le décervelage, font de Jarry un phénomène à part dans les
lettres françaises. Il n’est certes pas sans rapport avec les symbolistes, mais il n’y a guère que Rabelais
à qui on puisse véritablement le comparer, Rabelais dont il a retrouvé la verve drolatique et le comique
extravagant.
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